Description
Le Yoga de la Bhagavad-Guîtâ. Sri Aurobindo nous fait pénétrer au coeur de l’enseignement de la Guîtâ, et souligne son importance pour notre vie et notre quête spirituelle. Première traduction intégrale.
Extrait
Ainsi, pour pouvoir apprécier dans son universalité l’enseignement de la Gîtâ, il nous faut accepter intellectuellement son point de vue et la manière courageuse dont elle envisage la nature manifestée et le développement cosmique. Le divin conducteur du char de Kurukshetra se révèle d’une part comme le seigneur de tous les mondes, comme l’ami et le Guide omniscient de toutes les créatures, et d’autre part comme le temps, le Destructeur, « qui s’est dressé pour la ruine de ces peuples ». Suivant en ceci l’esprit de la religion hindoue, qui embrasse tout, la Gîtâ affirme que ce second aspect aussi est Dieu ; elle ne tente pas d’échapper à l’énigme du monde, en s’esquivant par une porte dérobée. Si, en fait, nous ne considérons pas l’existence simplement comme l’action mécanique d’une Force matérielle brutale et indifférente, ni d’autre part comme un jeu également mécanique d’idées et d’énergies surgissant d’une Non-Existence originelle ou bien se réfléchissant dans l’âme passive, ou encore comme l’évolution d’un rêve ou d’un cauchemar dans la conscience superficielle d’une transcendance indifférente et immuable qui n’est pas affectée par ce rêve et n’y prend aucune part, si tant est que nous admettions, comme le fait la Gîtâ, l’existence de Dieu, c’est-à-dire de l’Être omniprésent, omniscient et tout-puissant, mais toujours transcendant, par qui le monde est manifesté et qui se manifeste dans le monde, de Dieu qui n’est pas l’esclave, mais le maître de sa Conscience, de sa Nature ou de sa Force créatrices (Mâyâ, Prakriti ou shakti), qui ne saurait être frustré ou contrarié dans sa conception et son dessein cosmiques par ses créatures, humaines ou diaboliques, et qui n’a pas besoin de se justifier en transférant la responsabilité d’une partie de sa création ou de sa manifestation sur le créé ou le manifesté, alors, dans ce cas, l’être humain doit partir d’un grand, d’un difficile acte de foi. Se trouvant dans un monde qui est apparemment un chaos de pouvoirs en lutte, un conflit de forces vastes et obscures, une vie qui ne subsiste que par le changement constant et par la mort, menacé qu’il est de toutes parts par la douleur, la souffrance, le mal et la destruction il faut qu’il reconnaisse en tout cela le Dieu omniprésent ; et conscient que Cette énigme doit avoir une solution et qu’au-dessus de l’ignorance où il demeure, une Connaissance doit exister qui peut tout concilier, il faut qu’il prenne son point d’appui sur cette foi « Quoique tu nie fasses périr, j’ai foi en toi. » Toute doctrine, ou toute foi humaine, si elle est active et affirmative, qu’elle soit théiste, panthéiste ou athée implique en fait plus ou moins explicitement ou complètement une telle attitude. Elle admet et elle croit; elle admet les contradictions du monde, elle croit en un suprême principe — Dieu, Être universel ou Nature — qui nous rendra capables de dépasser, de surmonter ou d’harmoniser ces contradictions, peut-être même de faire les trois à la fois, c’est-à-dire d’harmoniser en surmontant et en dépassant.